Devant une exposition comme celle-ci, la réaction est double. On est
séduit par les œuvres, mais également sidéré par la somme d'efforts et
de recherches qu'elles supposent, par l'acharnement des artistes à suivre
leur voie personelle, dans toute leur déroutante singularité.
C'est particulièrement vrai pour Nathalie Doyen, née à Alger en 1964,
résidant à Tourinne-la-Chaussée, professeur de céramique à l'Académie
de Namur après ses études à celle de Tournai.
L'œuvre la plus spectaculaire qu'elle nous propose est un long serpent
fait de la juxtaposition de plusieurs centaines de lamelles de céramique,
extrèmement fines et fragiles, élaborant une fascinante muraille de patience,
vivante et presque mouvante. Un coup de pied maladroit d'un visiteur,
et des mois de travail sont réduits en miettes.
Dans la salle voisine, ce sont cette fois des centaines de modules de
terre cuite, fixés sur une tôle, qui créent leur propre histoire graphique
sous l'effet de la corrosion. Une loupe est à la disposition des visiteurs
pour la déchiffrer.
Nathalie Doyen visite un immeuble à l'abandon. Aux agressions du temps,
l'envie lui prend d'ajouter sa propre marque, sous forme d'évidemment
du plâtre et de la pierre.
Comment faire la synthèse de ces trois composantes, la matière, la marque
du temps, la sienne propre ? Par une photo qui constituera l'œuvre définitive.
On peut voir aussi, sur bandes de papier fort, des séries de picotages, comme ceux que font les enfants à l'école maternelle, à la différence que ceux-ci sont d'une pureté et d'une beauté limpides, dont on ne se lasse pas de contempler les modulations.
Saisissante, puissance d'émerveillement, ouverte sur le monde, à l'opposé d'une attitude cérébrale et autiste : "J'observe autour de moi", nous dit l'artiste," je trace les contours de ce que je vois et je m'en imprègne. Ils constitueront pour moi une réserve et une sorte d'alphabet de formes qui me serviront à créér."