Au départ, il y a une façon de percevoir, d'observer ce qui m'entoure et m'amène à le détailler. Pour moi, "détailler", c'est sélectionner des formes, très brièvement, entre deux battements de cils et en tracer les contours, par centaines, sur un rouleau de paier.
Une fois cette répresentation particulière esquissée, Je l'inscris, la grave, la modèle, suivant les circonstances des projets développés: sur la neige, le paier, l'océan, l'argile, les murs, etc.
Les tracés ne sont pas fortuits, ,ni décoratifs, ils viennent de l'observation. Evoquant une ville ou une écriture, sans pourtant l'être, ils sont une orgaisation visuelle de la mémoire sensible.
Mes réalisations procèdent par accumulation et s'étalent à l'horizontale en dégagant un ralenti et un silence.
"Nathalie Doyen façonne la terre au même titre que la nature son paysage.
Elle ne craint ni la répétition du geste, ni celle de la forme,
ceux-ci respectent le rythme de son processus créatif.
Intuitive, Nathalie Doyen saisit l’instant, une vision, une sensation.
Observatrice, elle s’imprègne de ce nouvel univers,
Habitée, elle transcende l’impalpable.
Modeste, elle délivre ensuite par bribes le fruit de son "cheminement" ..."
Nathalie Doyen élabore ses travaux en douce simplicité.
Oeuvrant par expérimentations et intuitions, elle crée minutieusement
une multitude de modules qui - assemblés - composent un espace graphique
et musical. Elle y interroge la structure mais aussi le mouvement, le
rythme et le temps.
Chacune de ses expositions matérialise un état précaire
révélateur d'un vaste processus de création imperceptible. "La mise en
vue" est ici comparable à une cristallisation éphémère de recherches en
perpétuelles transformations.
Les
"rouleaux de voyages" sont emblématiques de ce processus: non exposés,
jamais révélés aux regards du visiteur, ils sont néanmoins fondamentaux
dans le parcours créateur de l'artiste.
Réalisés patiemment depuis plusieurs années, ils recèlent une grande quantité
de dessins épurés d'éléments du paysage et de l'environnement, des enregistrements
subjectifs de fragments du monde.
C'est dans ces ensembles de références que l'artiste choisit les structures
de la majorité de ses compositions. Elle recourt à différents supports
pour la concrétisation des modules graphiques, mais, le plus souvent,
cette céramiste de formation s'adonne au plaisir du travail de la terre.
Les compositions réalisées par l'assemblage de ces
modules possèdent - tout comme les "rouleaux de voyages" qui se déroulent
sans début ni fin - un rythme particulier: cyclique, indéfini, sériel
… .
A l'image de l'oeuvre "Passage", témoignage photo d'une transcription
graphique de l'artiste au sein d'un paysage enneigé, ses oeuvres existent
temporairement.
Elles prennent corps selon un certain nombre de formules de construction
adaptées à chaque espace de présentation.
Le rythme propre aux réalisations de Nathalie Doyen est ainsi comparable
à celui d'une musique aléatoire dont le déroulement dans l'ensemble serait
fixé mais dont les détails procéderaient du hasard et du lieu, une forme
musicale ouverte aux options de l'interprète. Un rapport de proximité
est nécessaire pour percevoir, au-delà des compositions, la richesse des
notes qui les constituent.
L'artiste conçoit effectivement ses oeuvres telles de sobres partitions
révélatrices de nombreuses vibrations, détentrices de multiples interprétations.
La lumière, l'ombre ainsi que leurs modulations respectives jouent à ce
titre un rôle déterminant dans le parachèvement de ses travaux: elles
suscitent d'infimes variations sur les nombreuses déclinaisons de blancs
employées dans les réalisations.
L'artiste a par ailleurs conçu plusieurs oeuvres qui offrent au visiteur
- sur un mode méditatif ou ludique - la possibilité de manipulations,
de réalisations d'un nombre exponentiel de combinaisons.
La sortie de l'atelier constitue la première étape d'un long cheminement entre pensée et acte. L'observation, attitude élémentaire mais combien dense et fructueuse nourrit le geste d'abord incertain. Le poignet cherche la cadense, l'image est apprivoisée et se laisse coucher sur de longues et étroites bandes de papier: carnets de voyage, rouleaux de mémoire.
Ancêtre du livre sacré, le rouleau offre une plus grande liberté. Il génère
le devenir. …
La main déroule, la pensée s'enroule … le temps s'égrène au rythme de ces
signes topographiques; germination d'une nouvelle écriture.
La transcription schématique de l'environnement
suggère à Nathalie Doyen le rejet de l'anecdote, le refus de l'échelle
de grandeur. La dimension du nuage concurrence celle du caillou, de la
poussière, de l'horizon et la hauteur de la cheminée se moque de celle
de la façade des maisons.
Ici et là surgissent des figures minérales, zoomorphes … organiques.
La patience engendre la forme. L'image figée s'étoffe dans l'atelier laboratoire.
Les petits volumes de plâtre (de terre, de porcelaine ou de béton) se
multiplient.
Ils opèrent par envahissement.
D'abord dispersés, ils se concentrent ensuite dans un mouvement centrifuge
et enfin terminent leur course, disséminés, comme si la main venait de
les semer.
L'ultime étape consiste à investir le site offert et/ou choisi. L'intervention
s'inscrit de manière minimale jamais brutale. L'artiste reste attentive
à ne pas s'imposer à la nature du lieu, elle refuse de la contrarier pour
garantir son harmonie. L'instrumentation se veut ludique. Cette mosaïque
de petites structures blanches, à la géométrie élémentaire, invite la
lumière à se diffuser évoquant ainsi l'architecture lactée des villes
orientales.
Ces traces virginales dissertent de plein et de vide, d'éphémère et de
continuité.
Elles invitent votre pas à épouser avec humilité une géographie autre
du paysage.
Les années précédentes témoignent aussi
Si ces actes passés, présents et à venir s'habillent de discrétion, ils ne réduisent en rien l'ampleur et l'éfficacité de la confidence. Dans cette perspective, ils prolongent le propos suivant de l'extravagant et toujours pertinent Joseph Beuys (1921-1986): "Le monde dépend de la constellation de quelques parcelles de matière".